Illusions

Illusions raconte les derniers jours d’un quatuor, deux femmes et deux hommes au crépuscule de leur vie, deux couples qui se connaissent depuis plus de cinquante ans : Dennis, Sandra, Albert et Margaret.

Dennis, sur son lit de mort remercie sa femme Sandra pour la vie qu’ils ont partagé, et pour la profondeur et la réciprocité de leur amour. Il part heureux, fier et sans peur.

Sandra ne lui survit qu’un an, mais, juste avant de rendre son dernier souffle, elle fait appel à Albert, et lui révèle que c’est lui, le meilleur ami de son défunt mari, qu’elle a toujours aimé.

Albert, ébranlé par cet aveu déclare ensuite à sa femme Margaret qu’il en a toujours aimé une autre, et s’excuse d’avoir toute la vie laissé Margaret croire que leur amour était réciproque. Margaret lui révèle à son tour que Dennis et elle ont eu une liaison pendant des années… Mais est-ce seulement la vérité ? Margaret étant dotée d’un bon sens de l’humour…

Ainsi se révèlent au cours de la pièce ce qui a été tu des années durant. Les certitudes volent en éclat, et la sérénité fait place à la fébrilité, à l’agitation, aux tourments.

Mais comment pourrait-il en être autrement puisqu’il s’agit d’amour ?

La pièce est une comédie.

De celles qui, à la première lecture provoquent un plaisir immédiat, et le rire grinçant, jusqu’au tournant tragique.

Viripaev, comme dans beaucoup de ses textes s’amuse avec la forme même de l’écriture théâtrale, navigant entre le récit, les dialogues et les didascalies sans en marquer les différences.

Mais à côté de cet apparent goût pour brouiller les pistes, il pose aussi un regard plein de tendresse et d’empathie sur ses personnages.

Ce récit est donné par quatre êtres anonymes, « entrés uniquement pour raconter aux spectateurs les histoires de deux couples mariés », deux hommes et deux femmes trentenaires, qui n’ont pas de lien apparent avec ceux dont ils portent les histoires.

D’emblée, les récitants se feront les passeurs précis des anecdotes ou moments de vies cruciaux des personnages, tout en se permettant parfois de mentir, avant de revenir en arrière.

Beaucoup de légèreté dans le ton, mais une forme d’urgence aussi. On ne s’appesantit pas sur les révélations ou les faits marquants, mais on laisse à la parole et à la pensée des protagonistes l’espace de se développer.

De sorte que l’on devient très vite l’intime des quatre vieux, touché par leurs destins croisés et par ce que le texte porte d’universel.

Il y a donc des êtres humains qui racontent d’autres êtres humains avec distance, voire une forme de détachement, tout en les incarnant parfois, devant d’autres êtres humains.

Des témoins, des passeurs dont on ne sait rien et dont on ne saura rien.

Des personnages évoqués et parfois incarnés on ne saura pas grand chose non plus, ni de leur parcours, ni de leur famille, ni de leur métier, ni de ce qui a construit leurs vies. A part l’essentiel : la rencontre, l’altérité, l’amitié et l’amour, la volonté de trouver sa place dans le monde, et de trouver la paix.

C’est ce qui provoque ce vertige à la lecture. On est plongé au cœur de l’humanité, au cœur des sentiments et de la métaphysique.

Le frisson et le trouble que le texte provoque réside en cela : en cherchant à être sincère, en révélant ce qui a pu être caché ou étouffé, se créent malgré tout des malentendus.

Pas de sagesse chez ces vieux, ils aiment, doutent et s’emballent comme des adolescents, ils confondent désir et sentiments.

Ils se trompent.

Et c’est précisément ce qui me touche : la faillibilité, l’irrationalité de l’existence, la quête d’amour et de sens.

Cette agitation profondément humaine que Viripaev nous montre tour à tour vaine et magnifique.

Distribution

Illusions d’Ivan Viripaev, traduction de T. Moguilevskaia et G. Morel

Les traductions des textes d’Ivan Viripaev sont publiées aux Editions Les Solitaires Intempestifs – Besançon. Titulaire des droits : henschel SCHAUSPIEL Theaterverlag Berlin GmbH-Agent de l’auteur pour l’espace francophone : Gilles Morel.

|  Guillaume Cantillon – Mise en scène | Alexandre Maillard – Musique et univers sonore  | Jean-François Garraud – Scénographie | Jean-Louis Floro – Lumières | Zidane Boussouf – Son | Geoffrey Fages – Vidéo et Photos |

Avec Marianne Fontaine, Franck Magis, Laetitia Vitteau et Côme Thieulin.

Soutiens

avec le soutien du Conseil Départemental du Var et de la Ville de La Garde

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